Claude RapinEtudes de gŽographie historique (Asie centrale)
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Carte de l'Asie centrale hellŽnistique (itin. Alexandre) (2018)


ÑCarte de l'Asie centrale: nord-est de l'Iran, Hyrcanie, est de l'Afghanistan

ÑCarte de l'entrŽe en Inde par Alexandre

ÑCarte de l'Asie centrale entre Mer Noire et Caspienne, selon la Vulgate

ÑCarte de l'Asie centrale chez PtolŽmŽe

ÑPartie orientale de la table de Peutinger (Moyen-Orient, Asie centrale, Inde)

ÑBibliographie provisoire (gŽogr. hist.)
Ñ Les roches d'Alexandre

Images : ¥ Muraille grŽco-bactrienne (d'Euthydme I ?) ˆ Derbent, vue du sud;
¥ Muraille kushane.


Note:
Alexandre le Grand aux Portes de Fer. ƒlŽments de gŽographie sogdienne du nord de lÕOxus 

(RŽsumŽ de la recherche en 2002: forme abrŽgŽe dans C. Rapin, Sh. Rakhmanov, ÇAleksandr Makedonskij u Zheleznyx Vorot v SogdianeÈ, dans Shakhrisabz Shakhrining Zhakhon Tarikhida Tutgan órni, Toshkent, 2002, p. 45-49, en russe).

par Sh. Rakhmanov, Cl. Rapin

Mise ˆ jour 2012

1. Nouvelles approches.

De rŽcentes Žtudes sur le texte de Quinte-Curce relatif ˆ l'expŽdition dÕAlexandre entre Bactres et la Sogdiane[1] et sur la gŽographie de PtolŽmŽe[2] ont permis de revoir une sŽrie dÕhypothses sur la toponymie antique de la Bactriane-Sogdiane.

Une relecture de la carte de PtolŽmŽe a notamment montrŽ que certains fleuves et groupes de citŽs de la Bactriane ont subi une rotation de 180 degrŽs. CorroborŽe par les donnŽes de Quinte-Curce (souvent plus fiables que celles d'Arrien) et enrichie des derniers rŽsultats archŽologiques, cette hypothse permet, premirement, de restituer la toponymie des fleuves du haut cours de l'Amou-darya ˆ l'est de Takht-i Sangin. Si, d'une part, le Wakhsh correspond ˆ l'Oxus des Anciens, le Darya-i Pandj, que lÕon trouve dans certaines cartes anciennes mentionnŽ sous le toponyme de Wakh-ob, pourrait, quant ˆ lui, correspondre ˆ l'Ochus quÕAlexandre franchit au printemps 328 lors de son second voyage de Bactres vers la Sogdiane. Comme dans de nombreux autres cas o l'on constate que chez PtolŽmŽe deux fleuves portant le mme nom ont ŽtŽ confondus en un seul, l'Ochus est le nom ancien ˆ la fois de l'Atrek au sud-ouest de la Bactriane et du Darya-i Pandj au nord-est.

Deuximement, cette nouvelle hypothse permet de supposer quÕA• Khanoum se situait en rŽalitŽ sur l'Ochus et non sur l'Oxus, comme on l'a pensŽâ auparavant, et quÕAlexandrie OxŽienne ne peut tre que la ville de Termez, la capitale du peuple homonyme des OxŽiens mentionnŽs par PtolŽmŽe, occupant globalement toute la plaine du Surkhan-darya. De mme, OxŽian devrait tre Takht-i Sangin, au dŽbouchŽ du Wakhsh-Oxus dans la plaine de l'Amou-darya.

Troisimement, si l'on suit fidlement les textes anciens, on comprend que la frontire administrative entre les deux satrapies - la Bactriane et la Sogdiane - se situait sur l'Oxus, plut™t que dans les monts de Hissar entre le Surkhan-darya et le Kashka-darya (Derbent nÕa jouŽ le r™le de frontire que pendant une pŽriode relativement brve vers le rgne dÕEuthydme et nÕa constituŽ une frontire rŽelle quÕˆ partir de lÕŽpoque kouchane). D'autre part, lÕitinŽraire d'Alexandre suggŽrŽ par Quinte-Curce prŽcise enfin quÕavant d'atteindre la roche d'Arimaze pour se rendre ˆ Maracanda, Alexandre fortifie la ville sogdienne de Marginia, dont le nom pourrait correspondre ˆ un des toponymes prŽ-hellŽnistiques de Termez et non la Margiane ˆ l'ouest, dans le Turkmenistan actuel[3].

2. IncohŽrences des Anciens ˆ propos de la campagne dÕAlexandre.

A c™tŽ des rŽsultats de cette nouvelle approche, la Mission archŽologique franco-ouzbke (dirigŽe par F. Grenet et M. Isamiddinov) qui a menŽ des fouilles sur le site des Portes de Fer (C. Rapin et Sh. Rakhmanov) a poursuivi la rŽflexion entamŽe par plusieurs gŽnŽrations de chercheurs sur le problme des roches fortifiŽes prises en Sogdiane par Alexandre entre lÕŽtŽ 328 et le printemps 327 av. n.., notamment les Žtudes de E. Rtveladze (rassemblŽes dans Aleksandr Makedonskij v Baktrii i Sogdiane, Tashkent, 2002).

Notre proposition fondŽe sur une autre identification de lÕitinŽraire dÕAlexandre et sur une restructuration interne plus logique des sources descriptives, sans nŽgliger lÕŽtude directe de la rŽgion de Derbent, pourrait fournir de nouveaux instruments pour la rŽsolution de ce problme.

Les textes relatifs ˆ ces roches chez Arrien, Quinte-Curce, Strabon, Polyen et Plutarque prŽsentent de nombreux problmes de cohŽrence. Arrien multiplie les difficultŽs par sa mŽthode de rŽdaction trs littŽraire, qui fait appel ˆ des digressions et ˆ une prŽsentation thŽmatique des ŽvŽnements. Ainsi, le meurtre de Cleitos est relatŽ tout au dŽbut des ŽvŽnements de 328 et la prise de deux roches (la roche de Sogdiane et celle de ChoriŽns) est groupŽe sur l'hiver de 328/327, alors que Quinte-Curce situe lÕŽpisode de Cleitos entre les deux captures de roches (celle dÕArimaze et celle de Sisimithrs). Chez Arrien, encore, le mariage dÕAlexandre avec Roxane est liŽ ˆ la prise de la premire roche, alors que ce fait survient chez Quinte-Curce vers la fin des ŽvŽnements de Sogdiane.

Sur le plan textuel, on constate Žgalement que les roches sont identifiŽes sous des noms chaque fois diffŽrents, soit par rapport ˆ la rŽgion, soit par rapport ˆ leurs commandants sogdiens: forteresses dÕArimaze et de Sisimithrs chez Quinte-Curce et Polyen; Roc-de-Sogdiane dÕOxyarts et forteresse de ChoriŽns en ParŽtacne chez Arrien; fort de Sisimithrs en Bactriane, dans lequel Oxyarts abritait sa fille Roxane et fort de lÕOxus ou dÕAriamazs en Sogdiane chez Strabon.

De mme, on observe que les descriptions orographiques dŽveloppŽes par les auteurs anciens ne correspondent pas rŽellement ˆ la stratŽgie mise en application par Alexandre pour conquŽrir les roches. Chez Quinte-Curce, la description de la roche de Sisimithrs (la seconde) quÕAlexandre prend en construisant un barrage se rŽfre ˆ un ravin parcouru par un fleuve et ˆ un passage souterrain. MalgrŽ les diffŽrences de formulation, la description de la roche dÕArimaze (la premire) rappelle un dispositif analogue (un fleuve qui dŽvale de lÕescarpement et une grotte), mais, dans ce cas, les attaquants escaladent la roche comme des alpinistes, sans que lÕon comprenne le lien entre cette tactique et le cadre topographique dŽcrit peu avant. Chez Arrien, inversement, on constate que la roche de ChoriŽns (la seconde) est dŽcrite comme une montagne escarpŽe de tous c™tŽs, mais la tactique mise en Ïuvre recourt ˆ la construction dÕune passerelle pour franchir le ravin qui lÕentoure. La roche de Sogdiane (la premire) est, quant ˆ elle, dŽcrite de la mme faon que la roche de ChoriŽns, comme une montagne escarpŽe, mais sa capture par les soldats dÕAlexandre se fait, de manire vraisemblable, aprs une escalade aventureuse.

Ces observations ne reprŽsentent que quelques-unes des nombreuses contradictions entre les auteurs. Le parallŽlisme des rŽcits dÕArrien et de Quinte-Curce a depuis longtemps ŽtŽ observŽ. Cependant, en dŽpit des nombreux dŽtails disponibles et des multiples Žtudes qui se sont succŽdŽ depuis plus dÕun sicle, lÕidentification des roches reste problŽmatique. Alors quÕelles couvrent un territoire Žnorme encore difficilement accessible aujourdÕhui entre le Tadjikistan, lÕAfghanistan et le TurkmŽnistan, les hypothses formulŽes ne semblent pas pouvoir tre vŽritablement appliquŽes au voisinage immŽdiat de la route de Termez ˆ Samarcande, vers le dispositif des Portes de Fer et de Derbent, ˆ la frontire entre le Surkhan-darya et le Kashka-darya[4].

Le vague de la description ne doit, ˆ notre avis, pas tre imputŽ aux topoi traditionnels ou ˆ des effets rhŽtoriques. LÕexplication rŽside plut™t dans la gense du texte. La confusion entre les deux montagnes est notamment caractŽrisŽe par la description relative ˆ une montagne escarpŽe, accessible par un sentier Žtroit, quÕon ne peut parcourir quÕen file indienne: chez Quinte-Curce cette description sÕapplique ˆ la premire roche (celle dÕArimazs), alors quÕArrien lÕutilise pour la seconde roche (celle de ChoriŽns). On le constate, les textes prŽsentent, en dŽpit de leur parallŽlisme, des incohŽrences qui montrent que des ŽlŽments descriptifs se sont croisŽs dÕun rŽcit ˆ lÕautre. Dans la forme sous laquelle ils nous sont parvenus, ces rŽcits constituent donc lÕaboutissement dÕune tradition littŽraire fondŽe sur une source originale qui semble avoir subi de nombreux remaniements avant que ne soit perdue la rŽalitŽ originale du terrain (cÕest le mme sort quÕont connues les sources qui ont permis lÕŽtablissement de la carte de PtolŽmŽe).

La version des ŽvŽnements fournie par Quinte-Curce est pour beaucoup dans la reconstitution des ŽvŽnements historiques concernant lÕAsie centrale. Elle permet de comprendre lÕitinŽraire quÕAlexandre suit en 328 entre Bactres et Samarcande, lorsquÕil franchit le Darya-i Pandj (Ochus) ˆ l'est de Takht-i Sangin (OxŽian), puis le Wakhsh (Oxus) avant de prendre la route du nord ˆ partir de Marginia (rŽgion de Ba•ssoun) en direction des Portes de Fer de Derbent, quÕaucun historien ne saurait avoir ignorŽes. Alors quÕil est cohŽrent dans ses grandes lignes, le rŽcit de Quinte-Curce, semble ne pouvoir tre compris que si l'on propose dÕintervertir les ŽvŽnements relatifs aux deux roches, en attribuant la tactique de lÕescalade ˆ la seconde roche et celle de la construction dÕun pont ˆ la premire. Arrien prŽsente un profil opposŽ: alors quÕen dŽpit de la contradiction identifiŽe dans le rŽcit de la roche de ChoriŽns il semble prŽsenter des descriptions plus dŽtaillŽes et proches de la rŽalitŽ, on constate que cÕest dans la construction gŽnŽrale de son Ïuvre que lÕon observe son handicap majeur pour la clartŽ de la reconstitution historique. Dans ce sens, il semble que la premire roche quÕil dŽcrit (le Roc-de-Sogdiane dÕOxyarts) corresponde dans la rŽalitŽ ˆ la seconde roche prise par Alexandre (la forteresse de Sisimithrs chez Quinte-Curce), alors que sa seconde roche (forteresse de ChoriŽns en ParŽtacne) pourrait correspondre ˆ la premire roche de Quinte-Curce (celle dÕArimaze), mme si lÕon ne peut pas totalement exclure une ultime roche non identifiŽe ailleurs dans le Surkhan-darya.

Deux toponymes-clŽs devraient, ˆ notre avis, permettre dÕidentifier les forteresses jalonnant lÕitinŽraire dÕAlexandre: Derbent et Akrabat. La premire, le long de la frontire ouest de la province du Surkhan-darya, pourrait avoir appartenu ˆ la ParŽtacne antique, correspondant ˆ la rŽgion de Derbent entre les monts de Ba•ssun, du Sarymas et du Susyz-tag. La seconde, ˆ la frontire orientale de la province du Kashka-darya, pourrait avoir correspondu ˆ la limite mŽridionale du pays de Nautaka (les Òneuf fleuvesÓ[5]), nÏud central des communications de la Sogdiane.

3. Roches capturŽes par Alexandre.

A) La roche oxŽienne (Strabon), dite aussi dÕArimaze (Quinte-Curce, Polyen et Strabon, Epitome de Metz).

Selon Quinte-Curce, parmi les roches conquises, la premire Ð dite dÕArimaze Ð se situe sur lÕitinŽraire qui conduit Alexandre vers le nord. Cette montagne pourrait correspondre au dispositif de Derbent, seul verrou dans les monts de Hissar susceptible de freiner l'avance d'Alexandre, car si ce passage obligŽ nÕavait pu tre franchi, on peut imaginer que le conquŽrant aurait dž rebrousser chemin et contourner le Koh-i tang par lÕouest. En effet, pour un voyageur venant du sud, de la plaine du Surkhan-darya par le bas Sherabad-darya, le Sairob-sai ou la route de Ba•ssun, la plaine de Derbent constitue un cul-de-sac, dŽlimitŽ par un cirque de montagnes (le Susyz-tag, le piton rocheux de Sher-Khodja, le Sarymas et les monts de Ba•ssun), percŽ de ravins facilement dŽfendables (rŽgion dÕUzun-dara, Shurob-sai, haut Sherabad-darya).

Au moment du passage d'Alexandre, la muraille-frontire que l'on conna”t aujourdÕhui nÕavait pas encore ŽtŽ construite, mais son futur emplacement correspondait ˆ une rupture de pente de la vallŽe du Shurob, sur une ligne facilement dŽfendable depuis l'ouest contre une menace venant du sud.

Les autres dŽbouchŽs en direction de lÕouest et du nord ˆ partir de la plaine de Derbent pourraient avoir ŽtŽ facilement contr™lŽs dans le cadre du dispositif gŽnŽral de dŽfense sogdienne: au sud-ouest, le site fortifiŽ d'Uzun-dara et dÕautres tours de dŽfense pouvaient bloquer tout dŽtour par l'ouest ˆ travers les ravins du mont Susyz-tag. A lÕextrŽmitŽ sud de la future muraille hellŽnistique et kouchane, dominŽ par la forteresse de Sher-Khodja, le ravin du Shurob pouvait tre verrouillŽ au moyen de quelques dŽfenseurs seulement. A l'est de la plaine de Derbent se dressent les premiers sommets des monts de Ba•ssun. Au nord du village, le profond ravin envahi par les eaux du Sherabad-darya oppose une barrire naturelle tout aussi difficile ˆ franchir. Entre ce ravin ˆ l'est et l'emplacement de la future muraille ˆ l'ouest, la montagne du Sarymas, qui domine toutes les hauteurs de la rŽgion, offre une paroi sud imposante. CÕest cette montagne, zŽbrŽe de crevasses, quÕAlexandre parvient sans doute ˆ prendre, aprs l'avoir contournŽe par la droite en faisant construire une passerelle au-dessus des eaux tumultueuses du Sherabad-darya, pour atteindre lÕarrire, non dŽfendable, du massif et rejoindre la route nord dite de Kalta Minor. Autant chez Quinte-Curce que chez Strabon, on lit que la roche d'Arimaze est deux fois plus haute que celle de Sisimithres (trente stades de hauteur, contre quinze), ce qui traduit bien l'impression quÕoffre le panorama vu depuis le sommet du Sarymas. La dŽcouverte de tessons de cŽramique ˆ engobe rouge dans lÕescalade de cette montagne par le chemin des bergers confirme en tout cas la prŽsence humaine sur ces hauteurs dans lÕAntiquitŽ.

Si l'on admet que Quinte-Curce a interverti une partie des donnŽes, on constate que la description quÕil attribue erronŽment ˆ la roche de Sisimithrs correspond ˆ lÕenvironnement de Derbent, avec l'allusion au fleuve Sherabad-darya et ˆ la construction d'une passerelle dans ce ravin. Ces caractŽristiques physiques montrent que la roche en question nÕest donc pas une montagne isolŽe, comme le laisse supposer la mensuration du pourtour (quatre-vingts stades) que donnent les sources, et que lÕon peut hŽsiter ˆ lui appliquer le rŽcit de lÕescalade sportive relatŽe par les sources (voir la roche de Sisimithrs ci-dessous).

Dans ce contexte stratŽgique, on notera en revanche que l'autre canyon de Buzgalakhana, situŽ ˆ huit kilomtres ˆ l'ouest de Derbent, nÕest quÕexceptionnellement en eau et nÕa probablement jamais jouŽ de r™le stratŽgique, son tracŽ facilitant tout au plus le passage des caravanes en leur Žvitant un dŽtour relativement bref.

Cette prise sÕachve avec lÕexŽcution d'Arimaze et la mise sous contr™le de la roche sous les ordres d'Artabaze (ce qui confirme lÕimportance quÕAlexandre a accordŽe ˆ ce site). La localisation politico-administrative de la roche est confortŽe par Strabon, qui place cette roche en Sogdiane, l'appelant Çfort de l'OxusÈ, probablement en raison de son appartenance au territoire des OxŽiens (les habitants de Termez de la plaine du Surkhan-darya ou du Sherabad-darya qui se seraient repliŽs dans les montagnes). Paralllement, on peut admettre maintenant que la double dŽnomination des montagnes sogdiennes et oxŽiennes, dissociŽes en deux cha”nes distinctes par PtolŽmŽe, reflte en rŽalitŽ une seule et mme cha”ne, celle de Hissar.


B) La roche sogdienne de Sisimithrs (Quinte-Curce, Polyen, Strabon et Plutarque) et d'Oxyarts (Arrien).

DÕaprs Quinte-Curce, cette roche a ŽtŽ prise par Alexandre en venant de Xenippa (rŽgion de Karshi-Erkurgan), alors que sÕy Žtait rŽfugiŽ Sisimithrs, le satrape de Nautaka (Kesh, rŽgion de Shahr-i Sabz avec les sites de Padayatak-tepe, Uzun-kir, Sangyr-tepe). CÕest lˆ que, selon Plutarque, Oxyarts sÕŽtait aussi abritŽ. Strabon prŽcise quÕavec Oxyarts se trouvait aussi sa fille Roxane. CÕest aprs la prise de cette roche que survient le mariage d'Alexandre avec Roxane.

Selon Strabon encore, le sommet de cette roche est aplati et fertile, permettant l'approvisionnement de cinq cents hommes. Bien que les identifications envisageables soient nombreuses (comme le mont Susyz-tag avec le site de la forteresse dÕUzun-dara[6]), la montagne qui a notre prŽfŽrence pourrait tre celle de Kapkagly-Auzy, qui surplombe le village d'Akrabat, ˆ une vingtaine de kilomtres ˆ l'ouest de la muraille de Derbent. Cette zone se situe au croisement des routes qui depuis Termez et le passage des Portes de Fer conduisaient d'une part ˆ l'ouest, vers Xenippa, d'autre part directement au nord, vers Nautaka et Marakanda, par la route dite de Kalta Minor. Cet emplacement est d'ailleurs aussi connu pour sa qualitŽ stratŽgique et on y voit encore de nos jours les ruines d'un ancien fort postal en pierre de lÕŽpoque tsariste.

La partie descriptive correspondant au relief de cette montagne est celle de la montagne escarpŽe de tous les c™tŽs (comme lÕest, pour les trois-quarts de son pourtour exposŽ ˆ lÕouest, la montagne dÕAkrabat) et que les soldats dÕAlexandre sont contraints dÕescalader ˆ la suite des invectives lancŽes par les dŽfenseurs (qui sÕexpliquent dans le cas dÕune montagne peu ŽlevŽe). Sa description figure chez Quinte-Curce dans une partie du rŽcit relatif ˆ la roche d'Arimaze (la premire), alors que chez Arrien elle figure tout ˆ la fois dans le cadre de la roche de Sogdiane et dans celui de la roche de ChoriŽns.

Chez Arrien, le rŽcit relatif ˆ Oxyarts et Roxane est attribuŽ ˆ l'hiver 328/327 (quÕil considre liŽ ˆ la prise de la premire roche). En expliquant que cette premire roche rgle les affaires de Sogdiane, Arrien laisse croire que la seconde roche, celle de ChoriŽns en ParŽtacne, se situe en Bactriane. Et cÕest en Bactriane, enfin, que Strabon situe la roche de Sisimithrs: ces imprŽcisions gŽographiques sont parmi les raisons qui ont conduit les archŽologues soviŽtiques ˆ crŽer il y a quelques dŽcennies la notion de ÒBactriane du NordÓ pour dŽfinir les territoires sur la rive droite du moyen Amou-darya.

Chez Quinte-Curce, lÕŽvŽnement relatif ˆ Roxane se produit ˆ la mme date, mais chez cet auteur il est liŽ ˆ la seconde roche, celle de Sisimithrs, alors que la premire roche, celle dÕArimazs, avait ŽtŽ prise lÕannŽe prŽcŽdente. 

C) La roche de ChoriŽns (Quinte-Curce, Arrien et Strabon).

L'identification de la roche de ChoriŽns en ParŽtacne, ˆ peu de distance lieu du mariage d'Alexandre et de Roxane (Gazaba, vers Kyzyl-tepe?), a pu faire l'objet d'une intŽressante hypothse avec la collaboration de Leonid Sverchkov. Cette troisime et dernire roche semble en effet pouvoir tre identifiŽe ˆ une soixantaine de kilomtres au nord de Ba•sun, ˆ l'emplacement d'un piton rocheux connu sous le nom de Kyzkurgan ou Kyrk-kyz ("les Quarante Jeunes filles"): voir le rŽcent article Rapin, C., A. Baud, F. Grenet, Sh.A. Rakhmanov, ÇLes recherches sur la region des Portes de Fer de Sogdiane: bref Žtat des questions en 2005È, IMKU, 35, Samarkand, 2007. Elle a ŽtŽ prise par Alexandre au printemps 328, mais c'est au printemps 327 qu'il y fait la rencontre de Roxane. 

* * *

Pour l'Žtat de la question en 2007 voir la bibliographie provisoire.

Dans une publication rŽcente (2015), je propose d'identifier Zariaspa ˆ Maracanda et non Bactres, ce qui permet de reconstituer avec plus de prŽcision la route d'Alexandre et sa rivalitŽ avec Spitamne. Les observations et l'argumentation permettant de conforter ces hypothses sont trop nombreuses pour tre toutes exposŽes ici. Elles seront l'objet d'une publication o nous associerons autant les nouvelles hypothses sur la cartographie antique, que celles qui devraient combiner la construction gŽnŽrale du texte de Quinte-Curce aux descriptions dŽtaillŽes de celui d'Arrien. CÕest par cette approche que nous pensons pouvoir identifier le dispositif des Portes de Fer de Derbent et le grand carrefour dÕAkrabat dans les textes relatifs aux roches sogdiennes, et souligner l'enjeu stratŽgique fondamental que leur contr™le a reprŽsentŽ lors de la conqute par Alexandre de la Sogdiane au nord de lÕOxus.


[1]          F. Grenet, C. Rapin, ÒRemarques a propos de la campagne sogdienne dÕAlexandreÓ, Colloque de Termez, octobre 2001; F. Grenet, C. Rapin, ÒAlexander, A• Khanum, Termez: Remarks on the Spring Campaign of 328Ó, in AlexanderÕs Legagy in the East. Studies in Honor of Paul Bernard, ed. O. Bopearachchi, C.A. Bromberg, F. Grenet, Bulletin of the Asia Institute, 12, 1998 (2001), p. 79-89.

[2]          C. Rapin, ÒLÕincomprehensible Asie centrale de la carte de Ptolemee. Propositions pour un decodageÓ, ibidem, p. 201-225.

[3]          Grenet, Rapin, loc. cit.

[4]          F. Grenet, ÒRemarques sur le toponyme NautakaÓ in ÒZoroastre au BadakhshanÓ, Studia Iranica 2002.

[5]          Grenet, loc. cit.

[6]          Rtveladze, op. cit.; Grenet, loc. cit.




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Rakhmanov, Sh., C. Rapin, ÇStrategicheskij pogranichnyij uzel Zheleznix vorot: menjajushchijsja status granic ot grecheskix svidetelÕstv do srednevekovyx popejÈ, [Le noeud stratŽgique frontalier des Portes de Fer: variations du statut des frontires des tŽmoignages grecs aux ŽpopŽes mŽdiŽvales], in Transoxiana. History and Culture (Tarix va madanijat; Istorija i kulÕtura, Akademiku Edvardu Rtveladze v chestÕ 60-letija - kollegi i ucheniki, Tashkent, p. 150-153.

Rapin, C., M. Isamiddinov, M. Khasanov, ÇLa tombe dÕune princesse nomade ˆ Koktepe prs de SamarkandÈ (communication Acad. Inscr. et B.-L., 12 janvier 2001), Comptes rendus de lÕAcadŽmie des Inscriptions et Belles-Lettres 2001, p. 33-92. 



Autre Žtude de gŽographie historique:

Rapin, C., ÇLa Suisse et lÕarc alpin dans la carte de PtolŽmŽe. Sur Aventicum-Forum TiberiiÈ, Annuaire de la SociŽtŽ Suisse de PrŽhistoire et dÕArchŽologie, 86, 2003, p. 137-144.


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© C. Rapin. Novembre 2005